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Histoire courte #1

La première histoire courte de cette série... n'oubliez pas de la partager et de donner votre avis !





“Aïleen... Aïleen, tu entends ?”

Elle ouvre les yeux : il est accroupi à côté d'elle, sa main est toujours en train de la secouer. Il ne la regarde pas et semble tenter de voir quelques chose par delà les arbres qui les entourent. Elle repousse la main du jeune homme délicatement. Elle se redresse douloureusement. Elle ne s'habituera jamais à cette sensation : les racines qui pénètrent le dos jusqu'à en faire pratiquement partie. Elle semble ne pas avoir repris contact avec la réalité. Assise, elle se frotte la nuque, grimace un peu et relève soudainement la tête.


“Cette fois tu l'as entendu n'est-ce pas ?

- Oui, Lestat, cette fois je l'ai entendu.”

Ils se taisent quelques instants, à l'affût. Elle se lève soudainement sur ses deux pieds, tous ses muscles sont éveillés à présent, tendus, prêts à s'activer. Il se redresse avec plus de lenteur, comme si un plus grand poids pesait sur ses épaules. Il se tourne vers elle mais elle ne le regarde pas. Elle est concentrée, comme à chaque nouvelle épreuve qu'ils subissent depuis précisément 36 jours. Son visage et son corps ne présentent aucun signe d'angoisse : on distingue à peine son pouls, régulier, dans la veine de son cou, on ne voit pas une ride sur son visage et pas une seule tension dans les muscles de ses mains. Elle analyse, elle engrange les informations et les données. Lui attend. Il a appris à lui faire confiance. Son air félin n'est pas que dans les traits de son visage : elle a l'instinct de ces animaux, leur vivacité tant d'esprit que d'action et leur puissance.

“Un feu de forêt.”

Il ne répond rien, il essaye de ne pas paniquer. Ils s'en sont sortis jusque là, pourquoi pas cette fois encore. Il a appris à ne pas être un frein pour elle et à copier au maximum ses gestes et ses mouvements. Elle s'empare de sa ceinture et l'attache solidement autour de sa taille : il fait de même.

“Notre objectif ? Demande-t-elle.”

Il sent un léger agacement dans sa voix : il aurait dû y penser seul. Il sort la boussole de sa poche et lui laisse le temps de s'orienter. Il pointe du doigt la direction. “On a de la chance alors le feu est dernière nous. Tu es prêt ?”

Il hoche la tête. Elle le regarde enfin et lui adresse un sourire malicieux.

“Le chaos contre nous, Lestat, nouvelle manche.”

Prend-elle vraiment cela comme un jeu ? Il a du mal à lui sourire en retour.

Ils s'élancent tous les deux et se mettent à courir sans réserve. Il savent à présent quel rythme ils peuvent tenir et pendant combien de temps. La forêt de conifères dans laquelle ils se trouvent est assez dense, ils doivent slalomer entre les arbres. Il court souvent en tête, ce n'est pas pour rien qu'il a la boussole. Il la sent fatiguée aujourd'hui. Elle souffle plus fort et avance moins vite. Il se retourne pour voir où elle en est. Le tableau qui s'offre à lui est effrayant : elle, court, toute petite devant une toile de fond rougeoyante. Une masse orange engloutit les arbres qui s'effondrent dans des craquements morbides et à peine étouffés par l'épaisse fumée noire.

Il fait quelques pas vers elle, lui attrape la main et reprend sa course en essayant de la tirer. Elle ne regarde pas derrière, elle ne regardera jamais derrière. Ils vont avoir besoin d'aide à présent : continuer à courir ne les préservera pas bien longtemps. Elle s'arrête quelques secondes. Ils ont certes pris un peu d'avance mais pas assez pour se reposer. Il veut l'encourager à reprendre sa route mais elle s'est accroupie. Elle s'aplatit au sol et se met à rire. Il se demande si les fumées la font délirer sans vraiment savoir si c'est possible.

“ Il va falloir sauter, Lestat.

- dans l'eau ? Par dessus une falaise ? mais on ne sait pas si c'est assez profond.

- espérons.” Elle n'hésite pas vraiment. La chaleur des flammes commence déjà à lécher leur dos. Elle attrape sa main, la serre de toutes ses forces et il s'élancent à nouveau. Les arbres s'espacent un peu, puis disparaissent complètement pour laisser place au vide. Un bruit d'écoulement confirme l'intuition d'Aïleen : de l'eau s'écoule en contre bas. Ils ne regardent pas... la mort ou...

Une porte.

“Lestat, nous l'avons trouvé ! C'est l'autre monde. Nous y sommes à présent. Après toutes ces épreuves. Lestat ?”

Lestat ne répond pas. Il est étendu au sol, inerte. Il ne respire plus, il ne vit plus. Il est resté dans l'ancien monde. Il est mort avec lui. Elle se laisse tomber à ses côtés et pousse un hurlement. Le cri déchire le silence et son coeur. Elle pleure longtemps, à gros sanglots, jusqu'à ce que la fatigue l'emporte. Elle est à présent seule, totalement seule... A moins que d'autres aient pu traverser comme elle...

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